Benoît Spriet

Assonances Dissonances

Le moment de création de Benoît

Fin des années soixante, Benoît Spriet réalise des mobiles pris en photos. Il peint également des tableaux, certains avec un peigne de décorateur.
La plupart de ses œuvres sont constituées de séries qui pour ainsi dire envahissent murs et plafonds.

Il dispose d’un vaste espace, celui d’une usine textile, dans l’entreprise familiale, avec un grand atelier et une cour spacieuse dont on distingue parfois les pavés.

Divers matériaux sont utilisés : tissus, fils de fer, cartons peints en noir, emballages d’œufs… Les bobines de fil — qui étaient en grand nombre dans l’usine — restent cependant l’élément privilégié pour donner cette impression de prolifération.

Les séries construites en carton ou en tissu ont disparu, elles avaient une tout autre ampleur. Ses proches et ses amis peuvent en témoigner. Seules des photos subsistent. Ces séries sont marquées du sceau de l’éphémère.
Nulle forme anthropomorphique, mais des constructions évocatrices soit de floraisons et d’amoncellement végétal soit d’architectures imaginaires soit encore de tissage de motifs qui se répètent.

Benoît place aussi dans la cour des bobines peintes, elles sont là, fortes de leur présence, donnant un effet de multiplication. On les voit aussi collées les unes aux autres, agglutinées par groupe de sept et disposées à perte de vue comme à l’infini.

On pourrait parler d’une sorte de musique plastique. L’artiste varie les contraintes qu’il se donne, en joue. Il répète le geste toujours dans un souci rythmique. Souvent, un mouvement interne les anime, alors un balayage d’énergie parcourt le tableau verticalement ou de façon circulatoire. N’y a-t-il pas là de véritables partitions graphiques ?

La lumière jaillissant des objets peut être à l’origine d’ombres projetées sur le mur comme recréant le dispositif, en le redoublant fragile et fugitif sous forme d’un rêve évanescent.

Des amis encouragent Benoît dans sa démarche, en particulier, Jean-Marie Le Sidaner, Michel Mourot, Yves Popet avec lesquels il discute beaucoup. Jean-Marie, quant à lui, contribue à donner de nouvelles impulsions à son travail. Car ce qu’il propose est souvent repris par Benoît. Règne entre eux deux une belle complicité.

Ceux qui l’ont connu savent que, déjà en ce temps-là, Benoît était introverti et peu loquace ; pourtant, c’est à ce moment, pendant cette période de création et dans le lieu professionnel de son père, qu’il s’exprime.

Puis, dans les années soixante-dix, c’est le silence. Dès l’âge de trente ans, il suit une trajectoire douloureuse, accompagné par sa famille et ses amis.
Après sa mort a été retrouvé un album d’autres créations.

Pendant ce bref mais intense moment où il réalise ses œuvres, il fait sauter des verrous, il nous donne à voir des créations artistiques inventives.
À partir de presque rien, jouer sur l’espace, le remplir, l’habiter. C’est peut-être là où se situe la part énigmatique de l’acte créatif de Benoît.

Jean-Luc Spriet et les autres membres de la famille de Benoît